50ème anniversaire EME F-USA
4 – La récompense
4.1 La réussite
Le 24 janvier 1967 entre 06H00 et 07H00 locale à Dracé, les indicatifs, reports et RRR sont échangés, les signaux sont stables, hourra ! la liaison est réussie. Le 27 janvier, une nouvelle liaison est établie dans des conditions identiques. Cette fois-ci, pas de doute, télégrammes et QSL sont échangés et l’information commence à circuler dans les milieux radioamateurs.
F8DO raconte : « Je me souviens encore avec émotion que je suis sorti à la fin du QSO pour regarder la Lune. Le ciel était sans nuage d'un bleu sombre car le soleil n'était pas encore levé et notre satellite naturel d'une belle couleur dorée était près de se coucher au-dessus des monts du Beaujolais. J'imaginais Bill W6DNG là-bas si loin en Californie pour qui la Lune venait de se lever et qui lui aussi devait être heureux d'avoir réussi. Il restait une heure avant que mes CM1-CM2 arrivent à l’école et je crois que ce jour là j'ai eu un peu la tête ailleurs… »
Voici quelques documents d’époque :
AUDIO : Annonce et réception de F8DO par W6DNG
QSL de W6DNG
Les antennes de W6DNG
La bonne nouvelle annoncée à F1BF
Comment la presse a interprété l’évènement
Voici comment l’édition locale du Progrès de Lyon a relaté la chose le 15 février 1967. Peut-être F8DO n’a-t-il pas été assez clair dans ses explications au journaliste ?
En 1967, nous avons rédigé un article plus précis et plus technique qui est paru dans « Toute l’Electronique » du mois de mai.
4.2 Les mois suivants (récit de F8DO)
Pour commencer, j’ai ajouté un préampli à transistor TIXM05 de chez Texas Instruments permettant d’obtenir un facteur de bruit à 144 MHz meilleur (environ 2 dB) que les tubes disponibles à l’époque et pour le coût d’un transistor BF gand public.
Le préampli 144 MHz
D'autres QSO eurent lieu tout au long des années 1967 et 1968 avec W6DNG et OH1NL puis un évènement surprise sous la forme d'une lettre du Président de la République Italienne me parvint en septembre 1969 .Il y était précisé que le prix Christophe Colomb 1969 m'était attribué pour les liaisons radio utilisant les météorites et la surface lunaire.En souvenir de ce grand découvreur, il faut savoir que l'Institut International des Communications se trouve à Gènes et qu'il récompensait à l'époque à la fois des amateurs et des professionnels.
Cette année-là, les professionnels n'étaient autres que les astronautes de la mission Apollo représentés par Michael Collins, le seul des trois d'ailleurs à n'avoir pas mis les pieds sur la Lune. Il m'expliqua que ses deux compatriotes étaient retenus dans d'autres cérémonies ce jour-là. J'avoue avoir été impressionné à la fois par la taille et la simplicité de Michael Collins.
J'en oubliais presque la médaille en or que l'on m'avait remise.
La médaille de F8DO et le diplôme Christophe Colomb
La journée fut inoubliable et particulièrement réussie grâce à Mr d'Ornano, Consul de France à Gènes. Je me souviens qu'il voulait absolument nous garder quelques jours mais nous ne pouvions pas laisser tous nos élèves un lundi matin à notre collègue qui n'était d'ailleurs pas au courant de notre escapade et nous rentrâmes en voiture dans la nuit du dimanche. La journée qui suivit fut un peu difficile je l'avoue aussi bien pour moi que pour YL et F1AND qui nous avait accompagnés.
Quelque temps après, un grand article parut dans les pages du Progrès relatant nos exploits. F1BF qui était retenu par des obligations militaires et qui n'avait pu venir à Gènes y était cité. L'article eut un retentissement inattendu car en dehors des nombreuses lettres de félicitations reçues de toute part, des industriels comme Chauvin-Arnoux et la Radiotechnique proposèrent du matériel. La Chambre de Commerce de Villefranche décerna un prix substantiel pour l'époque qui permit la mise en chantier d'une parabole de 6 mètres de diamètre.
Je me vis même offrir une place d'ingénieur à la Thomson CSF. J'eus l'honneur d'être reçu au siège de la compagnie par Mr Beurtheret, l'inventeur du vapotron, qui me demanda de quitter l'enseignement et de venir travailler avec lui.
J'eus aussi la visite du Dr Escudier qui travaillait à l'ICPI (Institut de Chimie et Physique Industrielles de Lyon). Il était intéressé par la détection des signaux noyés dans le bruit et cherchait à mettre au point des systèmes de détection qui ressemblaient aux nôtres. A l'époque, les industriels faisaient appel à l'ICPI mais également le commandant Cousteau qui cherchait à écouter le cri des baleines en mer.
Dracé était à seulement une petite heure de route de Lyon et d'un commun avis nous décidâmes d'une collaboration étroite. Après des heures de concertation entre nous et Mr Hellion, également de l'ICPI, on décida de construire un convulateur en logique TTL car en 1969 on n'avait pas encore inventé le PC. Je n'entrerai pas dans les détails mais le principe était le suivant : dans une branche de la détection, on placerait une copie des signaux envoyés sur la lune et dans une deuxième branche, on écouterait les échos. Gràce à des transformées de Fourier, on pourrait comparer et mettre en évidence les signaux reçus d'autant plus facilement que nous savions ce que nous devions entendre. Les premiers convertisseurs logiques analogiques comme on les appelait à l'époque venaient de faire leur apparition et la construction de l'appareil fut confiée à quelques futurs ingénieurs de l'ICPI. L'échantillonnage avait lieu dans la BF.
Bien entendu, il fallait que les signaux envoyés sur la lune soient calibrés : points, traits et espacement étaient connus et rigoureusement respectés. Les résultats dépassèrent nos espérances car, au début des années 1970, on pouvait recevoir les échos lunaires avec 200 watts et seulement 2X9 el. Je crois bien qu'on avait inventé le "deep search " du WSJT.