1 - Pourquoi tenter de passer par la lune ?
En 1965, pour faire du trafic sur 144 MHz, il y avait la tropo (jusqu’à 800 km les jours de grandes ouvertures, souvent en octobre-novembre), les Sporadiques-E étaient pratiquement inconnues en VHF et le Meteor Scatter qui plafonnait vers 2 000 à 2 200 km n’était utilisé qu’à l’occasion des essaims majeurs de météorites, avec des procédures de trafic longues et compliquées, souvent la nuit.
Une sorte de course à la Lune avait été engagée depuis le premier Spoutnik en 1957. La NASA avait son programme de conquête spatiale et il n'est pas étonnant que des radioamateurs aient senti également le besoin de s'évader du champ terrestre.
F8DO qui avait fait une bonne partie des premières dans ce mode avec les pays d’Europe commençait à se sentir un peu à l’étroit. Depuis 1960, on lisait sur QST Magazine, dans la rubrique « The World above 50 MHz », que les premières liaisons avaient été réussies via la lune et que l’Atlantique avait été traversée par W6DNG et OH1NL sur 144 MHz le 12 avril 1964, par HB9RG/HB9RF et KP4BPZ sur 432 MHz le 13 juin 1964 et par HB9RG et W1BU sur 1 296 MHz le 27 septembre 1964. Mais rien n’avait encore été effectué depuis la France.
Au vu de l’équipement des stations qui avaient réussi (c’était du lourd !), la tâche s’avérait énorme pour un homme seul mais, avec un gros grain de folie, ça pourrait être possible à plusieurs. C’est ainsi, au travers de QSO réguliers entre F8DO et F1BF (maintenant F6BEG), que la discussion a commencé à porter sur le sujet de l’EME (Earth-Moon-Earth mais à l’époque on disait Moonbounce). Nous étions à 150 km l’un de l’autre mais, même pas peur !
Selon les possibilités de chacun, il fut décidé en décembre 1964 de monter une station, F8DO s’occupant de la réception et des antennes et F1BF de l’émetteur. Nous comptions bien étoffer l’équipe mais ça n’alla pas très loin. Presque tout était à construire à part le récepteur décamétrique Drake R4A de F8DO, Jean Cudraz F1HR offrit ses services pour réaliser le transfo HT de l’émetteur dimensionné pour 3 KV sous 1 A et un peu plus tard Marc Tonna F9FT offrit les antennes de sa fabrication pour arriver au montage de 8x9 éléments. Malgré de nombreux courriers, aucune aide des industriels français ne fut proposée mais Eimac Suisse offrit deux tubes 4CX300 pour équiper le PA.
Il n’y avait plus qu’à.